Définition
Le capital érotique est une valeur sociale – un jugement qualitatif – attribués à une personne ou un groupe concernant leur beauté et leur attractivité. Ce terme a été repris par la sociologue britannique Catherine Hakim au début des années 2000, afin de venir compléter le concept de Pierre Bourdieu, sociologue français, sur le capital économique, social et culturel.
Ce capital se divise en six, voir sept, éléments. Le premier est la beauté statique et immédiate. Elle concerne les éléments symétriques et jugés plaisant du visage. C’est une beauté que l’on retrouve particulièrement dans les photos car elle est la capture d’un instant. Vient ensuite la notion d’attractivité, qui fait référence au corps dans son ensemble. Les proportions de la personne et les différents attributs qui le constituent. La troisième dimension est une dimension sociale ; le charme, le charisme et la manière dont s’exprime une personne. En d’autres termes il s’agit des compétences relationnelles et ce qui font que l’on a envie de fréquenter cette personne. Puis il y a la notion d’enthousiasme, l’attitude de la personne. Cela fait référence à sa capacité à faire passer un agréable moment aux autres et à quel point ils se sentent bien aux côtés de celle-ci. Une cinquième dimension est la dimension d’apparence. Elle concerne le style vestimentaire de la personne et la manière dont elle se présente. Enfin, le dernier élément est la sexualité au sens large comme la fréquence, l’expérience et la performance. (Le septième élément que ne développerai pas ici, est la notion de fertilité et la capacité à enfanter).
Le capital érotique et ses différentes composantes ne sont pas statiques et changent selon la culture, l’époque et le sexe. Par exemple, la notion d’attractivité et ce qui rend un corps érotique et sexuellement attirant, a énormément changé durant ce dernier siècle. Particulièrement durant l’avènement des réseaux sociaux, dont je parlerai plus en détail au prochain point. Au début des années 2000, un beau corps de femme était un corps filiforme et long. Aujourd’hui, les poitrines et fesses généreuses sont les deux dénominateurs d’un corps jugé sexy. Il est également pertinent de préciser que l’âge n’a pas d’influence sur le capital érotique, puisque par exemple Madonna a encore un grand capital érotique comparé à d’autres femmes plus jeunes ou encore Pierce Brosnan, bien après son rôle de James Bond.
Par soucis d’exactitude et de sensibilité, je ne ferai référence ici qu’à la culture occidentale du 21e siècle.
Comme toutes autres formes de capital, celui-ci peut être converti et échangé contre un capital économique et/ou social, comme nous allons le voir quelques lignes plus basses.
Implications et influences dans les pays occidentaux au 21e siècle
Dans sa publication de 2010, Hakim avance que le capital érotique est tout aussi important que n’importe quel autre capital, puisqu’il est possible de le convertir en argent ou en statut. Et cet argument est plus que jamais vrai à l’époque des réseaux sociaux. De nos jours, une quantité non-négligeable de personne ont un revenu grâce à ces différents médias. Et l’on retrouve chacun de nos six différents éléments sous différentes formes sur ces réseaux. Par exemple sur Instagram on retrouvera notre capital érotique sous forme de beauté (visage), d’attractivité (corps) et d’apparence (style vestimentaire). La photo étant l’élément principal de ce réseau, la beauté statique et dite de l’instant T y règne en maître. A contrario, sur Linkedin ce sera la dimension sociale et l’enthousiasme qui permettront à quelqu’un d’être jugé attirant et désirable.
Le capital érotique représente donc aujourd’hui une vraie opportunité de carrière pour certaines personnes qui sont attirées par des métiers dans le divertissement et l’art scénique, mais également en politique comme on le verra plus bas.
Certaines études ont également démontré que le capital érotique faisait partie d’éléments permettant d’accéder à des postes plus haut dans l’échelle social, car ceux-ci demandent plus de charisme et de compétences sociales.
Différences entre hommes et femmes
Lorsqu’on pense à l’attractivité et à la beauté, on associe cela généralement aux femmes et il est vrai que celles-ci ont un capital érotique plus important que les hommes. Cela s’explique par le fait qu’elles ont grandi en apprenant à prendre soin de leur apparence mais également à développer très tôt des compétences relationnelles. Les femmes consacrent plus de temps et d’argent au développement de ce capital que les hommes. Pourtant, il est important de noter que de plus en plus d’hommes passent du temps à faire du sport afin de sculpter leur corps pour pouvoir ressembler à l’idéal de beauté masculin de notre époque.
Le capital érotique n’est donc pas inné mais bien appris et construit.
Pour revenir à l’exemple des postes haut sur l’échelle sociale, certains hommes vont se mettre en partenariat avec des femmes avec un haut capital érotique afin d’élever eux-mêmes leur statut. C’est le cas par exemple de hauts dirigeants qui sont régulièrement invités à des réceptions où les compétences sociales et la beauté sont particulièrement bienvenues. Être accompagnés d’une femme avec un haut capital érotique leur permet de naviguer aisément à travers les interactions sociales et par procuration d’élever leur attractivité en tant que couple.
Certaines théories féministes avancent que, parce que ce capital érotique est majoritairement détenu par les femmes, la culture patriarcale a mis en place des stratégies afin d’éviter que les femmes puissent s’en servir, en émettant des jugements moraux sur leur attitude et leur physique. Ainsi, les femmes qui se servent de leur physique pour arriver à leur fin sont vues comme des prédatrices ou si elles usent de leur charme elles sont manipulatrices. La vision négative sur la prostitution est en partie alimentée par ces opinions misogynes.
Conclusions
Il y aurait encore beaucoup d’éléments à développer, notamment la conversion du capital érotique en capital économique à savoir, comment certaines femmes reçoivent des avantages économiques de la part d’hommes, en échange de leur attractivité.
Pour cet article je reste donc dans une optique culturelle et sociale, et comment ce capital érotique s’inscrit dans notre société actuelle. Il ne fait aucun doute que la problématique des jugements émis à l’encontre de l’apparence et l’attitude des femmes a encore beaucoup de chemin à faire, mais cette théorie du capital érotique est une piste à explorer pour plus d’égalité dans ce domaine, puisque les hommes pourraient également tirer profit de leur propre capital érotique.
Bibliographie:
– Hakim, C (2010). Erotic Capital. European Sociological Review, Vol. 16, No. 5, 499-518.